Page:Gide - Le Voyage d’Urien, Paludes.djvu/23

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nature tous ses équivalents ― la collection complète ― un par monde. Mais l’émotion centrale de ce livre n’est point une émotion particulière ; c’est celle même que nous donna le rêve de la vie, depuis la naissance étonnée jusqu’à la mort non convaincue ; et mes marins sans caractères tour à tour deviennent ou l’humanité toute entière, ou se réduisent à moi-même.

Ils ignorent leur destinée et ne gouvernent pas leur navire, mais un désir de volonté les leurre et leur fait prendre pour résolue la route que suivra leur nef hasardeuse. ― Devant toutes les voluptés ils se privent, non en vue de récompenses futures qui ne les satisferaient pas, mais en vue d’actions glorieuses où leur force soit éprouvée, de sorte qu’ils la gardent entière. Il se peut qu’ils soient fous ― aussi ne dis-je point qu’ils sont sages. ― Ce dont ils souffriraient le plus, ce serait de n’avoir pas de lutte où se prendre, de conquêtes à conquérir. Même alors ils ne diraient