Page:Gide - Le Voyage d’Urien, Paludes.djvu/240

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

C'est une chose curieuse à noter, cela, combien une résolution importante, la décision d'un grand changement dans l'existence, fait paraître futiles les petites obligations du jour, les besognes, et donne donc de force pour les envoyer au diable.

C'est ainsi que j'eus contre Alcide, dont la visite m'importunait, le courage d'une impolitesse que je n'eusse pas osé sans cela. - De même, ayant vu, par hasard sur l'agenda, que malgré moi je regardai, l'indication :

« Dix heures. Aller expliquer à Magloire pourquoi je le trouve si bête. n- j'eus la force de me réjouir de n'y avoir pas été.

- L'agenda a du bon, pensai-je, car si je n'eusse pas marqué pour ce matin ce que j'eusse dû faire, j'aurais pu l'oublier, et je n'aurais pu me réjouir de ne l'avoir point fait. C'est toujours là le charme qu'a pour moi ce que j'appelai si joliment l'imprévu négatif, je l'aime assez car il nécessite peu d'apport, de sorte qu'il me sert pour les jours ordinaires.