Page:Gide - Le Voyage d’Urien, Paludes.djvu/248

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chacun de nous deux sommeillât.

Quand minuit eut achevé de sonner :

« Moi aussi, j'ai chassé... » commençai-je.

L'étonnement sembla l'éveiller; elle dit :

« Vous ! chasser ! Chasser quoi?

- Le canard, Angèle. Et ce fut même avec Hubert; ce fut jadis... Mais chère Angèle, pourquoi pas? - Ce qui me déplaît, c'est le fusil, non pas la chasse; j'ai les détonations en horreur. Vous vous méprenez, je vous assure, dans vos jugements sur moi-même. J'ai le tempérament très actif; ce sont les instruments qui me gênent... Mais Hubert, toujours au courant des inventions les plus récentes, m'avait procuré pour l'hiver, par l'entremise d'Amédée, un fusil à air comprimé.

- O racontez-moi tout! dit Angèle.

- Ce n'était pas, continuai-je - ce n'était pas, vous pensez bien, un de ces fusils extraordinaires comme on n'en voit qu'aux grandes expositions; - d'ailleurs, je ne l'avais que loué, car ces instruments coûtent horriblement cher; puis je n'aime pas garder chez moi des armes. - Un petit réservoir à air faisait manoeuvrer la détente, - au moyen