Page:Gide - Le retour de l'enfant prodigue, paru dans Vers et prose, mars à mai 1907.djvu/20

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sont ce qu’ils veulent, et plus libres que moi… Qu’est-ce que tu viens faire ici ? Pourquoi tue déranger dans mon sommeil ?

— Tu ne dors pas, et je viens te parler doucement.

— Qu’as-tu à me dire ?

— Rien, si tu le prends sur ce ton.

— Alors adieu.

Le prodigue va vers la porte, mais pose à terre la lampe qui n’éclaire plus que faiblement la pièce, puis, revenant, s’assied au bord du lit et, dans l’ombre, caresse longuement le front détourné de l’enfant.

— Tu me réponds plus durement que je ne fis jamais à ton frère. Pourtant je protestais aussi contre lui.

L’enfant rétif s’est redressé brusquement.

— Dis : c’est le frère qui t’envoie ?

— Non, petit ; pas lui, mais notre mère.

— Ah ! Tu ne serais pas venu de toi-même.

— Mais je viens pourtant en ami. À demi soulevé sur son lit, l’enfant regarde fixement le prodigue.

— Comment quelqu’un des miens saurait-il être mon ami ?

— Tu te méprends sur notre frère…

— Ne me parle pas de lui ! Je le hais… mon cœur, contre lui, s’impatiente. Il est cause que je t’ai répondu durement.

— Comment cela ?

— Tu ne comprendrais pas.

— Dis cependant…