Page:Gide - Le retour de l'enfant prodigue, paru dans Vers et prose, mars à mai 1907.djvu/26

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— Que regardes-tu donc à la croisée ?

— Le jardin où sont couchés nos parents morts.

— Mon frère… (et l’enfant, qui s’est levé du lit, pose, autour du cou du prodigue, son bras qui se fait aussi doux que sa voix) — Pars avec moi.

— Laisse-moi ! laisse-moi ! je reste à consoler notre mère. Sans moi tu seras plus vaillant. Il est temps à présent. Le ciel pâlit. Pars sans bruit. Allons ! embrasse-moi, mon jeune frère : tu emportes tous mes espoirs. Sois fort ; oublie-nous ; oublie-moi. Puisses-tu ne pas revenir… Descends doucement. Je tiens la lampe…

— Ah ! donne-moi la main jusqu’à la porte.

— Prends garde aux marches du perron…


andré gide