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Page:Gide - Les Faux-monnayeurs.djvu/363

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« — Précisément, lui dis-je ; il craint que vous n’ayez surpris des lettres.

« — Il vous l’a dit ?

« — Et c’est là ce qui le rend si craintif.

« — Pensez-vous que je cherche à les lire ?

« — Une sorte de fierté blessée la fit se redresser. Je dus ajouter :

« — Il ne s’agit pas de celles qu’il a pu égarer par inadvertance ; mais de lettres qu’il avait mises dans un tiroir et qu’il dit n’avoir plus retrouvées. Il croit que vous les avez prises.

« — À ces mots, je vis Pauline pâlir, et l’affreux soupçon qui l’effleura s’empara soudain de mon esprit. Je regrettai d’avoir parlé, mais il était trop tard. Elle détourna de moi son regard et murmura :

« — Plût au ciel que ce fût moi !

« Elle paraissait accablée.

« — Que faire ? répétait-elle ; que faire ? Puis levant de nouveau les yeux vers moi : — Est-ce que vous, vous ne pourriez pas lui parler ?

« Bien qu’elle évitât comme moi de prononcer le nom de Georges, il était évident que c’était à lui qu’elle pensait.

« — J’essaierai. J’y réfléchirai, lui dis-je en me levant. Et tandis qu’elle m’accompagnait dans l’antichambre :

« — N’en dites rien à Oscar, je vous en prie. Qu’il continue à me soupçonner ; à croire ce qu’il croit… Cela vaut mieux. Revenez me voir. »