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Page:Gide - Les Faux-monnayeurs.djvu/459

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« Il s’était animé en parlant. Je lui proposai de me mener à sa chambre.

« — Oui ! Oui ! dit-il en se levant soudain. Vous pourrez peut-être me dire ce que c’est… Moi, je ne parviens pas à comprendre. Venez avec moi.

« Nous montâmes deux étages, puis enfilâmes un assez long couloir. Je n’étais jamais venu dans cette partie de la maison.

« La chambre de La Pérouse donnait sur la rue. Elle était petite, mais décente. Je remarquai sur sa table de nuit, à côté d’un paroissien, la boîte de pistolets qu’il s’était obstiné à emporter. Il m’avait saisi par le bras, et, repoussant un peu le lit :

« — Là. Tenez… Mettez-vous contre la muraille… Entendez-vous ?

« Je prêtai l’oreille et, longuement, tendis mon attention. Mais, malgré la meilleure volonté du monde, ne parvins à distinguer rien. La Pérouse se dépitait. Un camion vint à passer, ébranlant la maison et faisant claquer les vitres.

« — À cette heure du jour, dis-je, dans l’espoir de le rasséréner, le petit bruit qui vous irrite est couvert par le vacarme de la rue…

« — Couvert pour vous qui ne savez pas le distinguer des autres bruits, s’écria-t-il avec véhémence. Moi, n’est-ce pas, je l’entends quand même. Je continue malgré tout à l’entendre. J’en suis parfois si excédé, que je me promets d’en parler à Azaïs, ou au propriétaire… Oh ! je n’ai pas la prétention de le faire cesser… Mais je voudrais au moins savoir ce que c’est.