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Page:Gide - Les Faux-monnayeurs.djvu/496

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CHAPITRE XVIII


Le lendemain soir, la cloche avait rassemblé les élèves de la pension.

Sur le même banc étaient assis Boris, Ghéridanisol, Georges et Philippe. Ghéridanisol tira sa montre, qu’il posa entre Boris et lui. Elle marquait cinq heures trente-cinq. L’étude avait commencé à cinq heures et devait durer jusqu’à six. C’est à six heures moins cinq, avait-il été convenu, que Boris devait en finir, juste avant la dispersion des élèves ; mieux valait ainsi ; on pourrait, aussitôt après, s’échapper plus vite. Et bientôt Ghéridanisol dit à Boris, à voix mi-haute et sans le regarder, ce qui donnait à ses paroles, estimait-il, un caractère plus fatal :

— Mon vieux, tu n’as plus qu’un quart d’heure.

Boris se souvint d’un roman qu’il avait lu naguère, où des bandits, sur le point de tuer une femme, l’invitaient à faire ses prières, afin de la convaincre qu’elle devait s’apprêter à mourir. Comme un étranger, à la frontière d’un pays dont il va sortir, prépare ses papiers, Boris chercha des prières dans son cœur et dans sa tête, et n’en trouva point ; mais il était si fatigué et tout à la fois si tendu, qu’il ne