Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/122

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cette campagne qui grelotte ; l’herbe est pleine de givre…… Je sais, comme les chiens qui dans des cachettes de terre ont gardé du pain et des os pour leur faim, je sais où me trouver telles voluptés réservées. — Sortir : — je sais, au tournant creux du ruisseau, un peu d’air tiède ; au-dessus de la barrière du bois un tilleul d’or pas encore dépouillé. Un sourire et une caresse de main au petit garçon de la forge, sur le chemin de son école… L’odeur, plus loin, d’une abondance de feuilles tombées. Une femme à qui je puis sourire ; près de la hutte, un baiser à son petit enfant. Le bruit des marteaux de la forge qui l’automne s’entend de très loin…… Est-ce tout ? — Ah ! dormons ! — c’est trop peu de chose — et je suis trop las d’espérer……

*

Départs horribles dans la demi-clarté d’avant l’aube. Grelottement de l’âme et de la chair. Vertige. On cherche ce qu’on pourrait bien emporter encore. — Qu’aimes-tu tant dans les départs, Ménalque ? — Il répondit : L’avant-goût de la mort. Non certes ce n’est pas tant voir autre chose, que me séparer de tout ce qui ne m’est pas indispensable. Ah ! de combien de choses, Nathanaël, on