Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/124

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J’étais gêné par la douceur de son haleine, mais je ne bougeais point de peur de l’éveiller. Sa tête délicate ballottait aux grands cahots de la voiture où nous étions horriblement entassés ; les autres aussi dormaient encore, épuisant un reste de nuit. — Certes oui, j’ai connu l’amour, l’amour encore et beaucoup d’autres ; mais de cette tendresse d’alors est-ce que je ne pourrai rien dire ? — Certes oui, j’ai connu l’amour. —

Je me suis fait rôdeur pour pouvoir frôler tout ce qui rôde ; je me suis épris de tendresse pour tout ce qui ne sait où se chauffer, et j’ai passionnément aimé tout ce qui vagabonde.

*


Il y a quatre ans, je me souviens, je passai la fin d’un jour dans cette petite ville que je retraverse à présent ; la saison était, comme à présent, l’automne ; ce n’était non plus pas un dimanche et l’heure chaude était passée.

Je me promenais, je me souviens, comme à présent, dans les rues, jusqu’à ce que sur le bord