Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/149

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Avant même que les dents ne les touchent ;
Et les boissons semblent meilleures là-dedans,
Car presque rien, de nos lèvres ne les séparent.

J’ai bu dans des gobelets élastiques
Qu’on pressait entre ses deux mains
Pour en faire monter le vin jusqu’à ses lèvres.

J’ai bu des sirops lourds dans de grossiers verres d’auberges,
Aux soirs des jours où j’avais marché sous le soleil ; —
Et parfois l’eau très froide des citernes
Me faisait mieux sentir après l’ombre du soir.

J’ai bu de l’eau qu’on avait gardée dans des outres
Et qui sentaient la peau de chèvre goudronnée.

J’ai bu des eaux presque couché sur la rive
De ruisseaux où j’aurais voulu me baigner —
Les deux bras nus plongeant dans l’eau vive
Jusqu’au fond, où l’on voit les cailloux blancs s’agiter…
Et la fraîcheur m’entrait aussi par les épaules.

Les bergers buvaient l’eau dans leurs mains ;
Je leur appris à l’aspirer avec des pailles.

Certains jours je marchais au grand soleil,
L’été, durant les heures les plus chaudes,
Cherchant de grandes soifs à pouvoir étancher.