Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/25

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Si j’avais su des choses plus belles, c’est celles-là que je t’aurais dites — celles-là, celles-là, certes et non pas d’autres.

Tu ne m’as pas enseigné la sagesse, — Ménalque. — Pas la sagesse, mais l’amour.

J’eus pour Ménalque plus que de l’amitié, Nathanaël, et à peine moins que de l’amour… Je l’aimais aussi comme un frère.

Ménalque est dangereux ; crains-le ; il se fait réprouver par les sages, mais ne se fait pas craindre des enfants. Il leur apprend à n’aimer plus seulement leur famille, et, lentement, à la quitter ; il rend leur cœur malade d’un désir d’aigres fruits sauvages et soucieux d’étrange amour. — Ah ! Ménalque — avec toi j’aurais voulu courir encor sur d’autres routes — mais tu haïssais la faiblesse et prétendis m’apprendre à te quitter.