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RONDE

DES BELLES PREUVES DE L’EXISTENCE DE DIEU

Nathanaël, je t’enseignerai que les plus beaux mouvements poétiques sont ceux sur les mille et une preuves de l’existence de Dieu. Tu comprends n’est-ce pas qu’il ne s’agit pas ici de les redire, ni surtout de les redire simplement ; — et puis il y en a qui ne prouvent que l’existence — et ce qu’il nous faut c’est aussi sa permanéité.

Je sais bien, ah ! oui, qu’il y a l’argument de Saint-Anselme.

Et l’apologue des parfaites îles Fortunées. —

Mais hélas ! hélas, Nathanaël, tout le monde ne peut pas y habiter.

Je sais qu’il y a l’assentiment du plus grand nombre. —

Mais tu crois, toi, au petit nombre des élus.

Il y a bien la preuve par deux et deux font quatre. —

Mais, Nathanaël, tout le monde ne sait pas bien calculer.

Il y a la preuve du premier moteur,

À cause de celui qui était encore avant celui-là ;

Nathanaël, c’est fâcheux que nous n’ayons pas été là. —

On aurait vu créer l’homme et la femme ;

Eux s’étonner de n’être pas nés petits enfants ;

Les cèdres de l’Elbrouz fatigués d’être nés déjà séculaires.

Et sur des monts déjà ravinés par les eaux.

— Nathanaël ! avoir été là pour l’aurore ! — par quelle paresse n’étions-nous pas déjà levés ? — Est-ce que toi tu ne

demandais pas à vivre ? — ah ! moi je le demandais certaine-