Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/98

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voguer. — Au-dessus des collines sombres, qui s’élevaient de l’autre côté de la ville, le ciel était de la couleur de l’or : des ramures légères, parties de la terrasse j’étais, penchaient vers le couchant splendide, où s’élançaient presque sans feuilles vers la nuit. — De la ville montait ce qui semblait une fumée ; c’était de la poussière illuminée, qui flottait, s’élevait à peine au-dessus des places où plus de lumière brûlait. Et parfois jaillissait comme spontanément dans l’extase, de cette nuit trop chaude, une fusée lancée on ne sait d’où, qui filait, suivait comme un cri dans l’espace, vibrait, tournait et retombait défaite, au bruit de sa mystérieuse éclosion. J’aimais celles surtout dont les étincelles d’or pâle retombent si longtemps et si lentement s’éparpillent, qu’on croit après, tant les étoiles sont merveilleuses, qu’elles aussi sont nées de cette subite féerie, et que, de les voir, après les étincelles, demeurantes, l’on s’étonne… puis, lentement, après, une à une, on reconnaît chacune à sa constellation attachée, — et l’extase en est prolongée.