Page:Gide - Nouveaux Prétextes.djvu/162

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Certains, qui ne l’ont pas compris, peuvent être choqués d’autant plus par une emphase subite et rare ; nous la louerons au contraire pour ceci : elle n’est pas sincère — et c’est ce qui permet au reste de l’être si profondément.

« Le premier, dit excellemment Laforgue, il se raconta sur un mode modéré de confessionnal et ne prit pas l’air inspiré. » Et c’est pourquoi sans doute, à peu près seul de son époque, Baudelaire mérite de n’être point touché par ce vent de défaveur qui souffle aujourd’hui contre le romantisme. C’est aussi par là qu’il s’apparente assez étroitement à Racine ; le choix des mots chez Baudelaire peut être plus inquiet et de prétention plus subtile : je dis que le ton de la voix est le même ; au lieu de donner à leur souffle, à la manière de Corneille ou de Hugo, le plus de sonorité possible, l’un et l’autre parlent à mi-voix ; de sorte que nous les écoutons longuement.


« C’est par les Fleurs du Mal, peut-être, que nous reviendrons à la grande tradition classique, appropriée sans doute à l’esprit moderne, mais dédaigneuse des viles couleurs éclatantes et de toutes les sauvageries plastiques, convaincue que l’intellectuel s’honore d’être discret, et rêvant d’exprimer en termes clairs et nuancés des choses obscures et toutes les subtilités intimes », écri-