Page:Gide - Philoctète, 1899.djvu/88

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Inépuisables messes, chaque jour, pour remettre le Christ en agonie, et le public en position de prière… un public ! – quand il faudrait


    et de l’esthétique sont les mêmes : toute œuvre qui ne manifeste pas est inutile et par cela même, mauvaise. Tout homme qui ne manifeste pas est inutile et mauvais. (En s’élevant un peu, l’on verrait pourtant que tous manifestent — mais on ne doit le reconnaître qu’après.)

    Tout représentant de l’Idée tend à se préférer à l’Idée qu’il manifeste. Se préférer — voilà la faute. L’artiste, le savant, ne doit pas se préférer à la Vérité qu’il veut dire : voilà toute la morale ; ni le mot, ni la phrase, à l’Idée qu’ils veulent montrer : je dirais presque, que c’est là toute l’esthétique.

    Et je ne prétends pas que cette théorie soit nouvelle ; les doctrines de renoncement ne prêchent pas autre chose.

    La question morale pour l’artiste, n’est pas que l’Idée qu’il manifeste soit plus ou moins morale et utile au grand nombre ; la question est qu’il la manifeste bien. — Car tout doit être manifesté, même les plus funestes choses : « Malheur à celui par qui le scandale arrive », mais « Il faut que le scandale arrive ». — L’artiste et