Il est clair que l’intérêt de chacun de nous c’est d’avoir le plus grand nombre possible de ces « bons » et que plus nous en aurons, plus nous serons riches. Sans doute nous savons bien que par eux-mêmes ces bons ne peuvent ni nous rassasier ni nous désaltérer : nous ne sommes pas si stupides, et longtemps avant que les économistes eussent découvert cette vérité, la légende antique nous l’avait enseignée en nous dépeignant le roi Midas mourant de faim au milieu des richesses que sa sottise avait transformées en or. Mais nous estimons néanmoins qu’il est infiniment plus commode d’avoir ces bons que n’importe quelle autre richesse, et nous avons parfaitement raison de penser ainsi. En effet, étant donnée l’organisation de nos sociétés, nous savons que toute personne qui désire se procurer un objet qu’elle n’a pas produit directement (et c’est le cas de l’immense majorité) ne peut se le procurer que par une double opération qui consiste : 1° à échanger les produits de son travail ou son travail lui-même contre du numéraire, ce qui s’appelle vendre ; 2° échanger ce numéraire contre les objets qu’elle désire, ce qui s’appelle acheter. Or, de ces deux opérations, la seconde, l’achat, est très aisée avec de l’argent, il est toujours facile de se procurer ce que l’on veut. La première opération, la vente, est au contraire beaucoup plus difficile, avec un objet, même de grande valeur il n’est pas toujours aisé de se procurer de l’argent. Le possesseur de numéraire se trouve donc dans une position bien plus avantageuse que le possesseur d’une marchandise quelconque car le premier, pour arriver à la satisfaction de ses besoins, n’a qu’une seule étape à franchir et très aisée, tandis que le second en a deux et dont l’une est souvent très malaisée. Comme on l’a donc fort bien dit, une richesse quelconque ne permet de satisfaire qu’un besoin spécial et déterminé, au lieu que le numéraire permet de satisfaire un besoin quelconque à notre choix. Le possesseur d’une marchandise même très utile peut ne savoir qu’en faire. Le possesseur de monnaie n’est pas en peine : il trouvera toujours preneur, et si par hasard il ne trouvait pas à l’employer, il aurait du moins la ressource de la garder indéfiniment pour une meilleure