Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/110

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teurs, puisqu’ils pourront se libérer en donnant une valeur moindre que celle qu’ils ont reçue ; elle apporte, pour répéter un mot fameux appliqué à la découverte des mines du nouveau monde, la libération des vieilles dettes. Elle agit dans le même sens que l’abaissement du taux de l’intérêt — ou mieux encore, comme un amortissement fatal du capital. Or, il est très bon que les vieilles dettes soient amorties et ne pèsent pas jusqu’à la centième génération sur les fils et petits-fils de l’emprunteur[1]. Cela est précieux surtout pour les États qui sont les plus gros débiteurs et les seuls vraiment perpétuels.

Il est vrai que dans la mesure même où la dépréciation de la monnaie favorise le producteur et le débiteur, elle porte préjudice au consommateur et au créancier. Mais ce préjudice lui-même est un bien. En ce qui concerne le consommateur, d’abord, s’il est également producteur, il se rattrape aisément de l’accroissement des dépenses par la plus-value de ses produits ou de ses salaires[2]. S’il consomme sans rien produire, tant pis pour lui : la hausse des prix le frappe justement. En ce qui concerne le créancier, si sa créance est à courte échéance, comme celles en usage dans le commerce, la dépréciation de la monnaie ne l’atteint pas si sa créance est à long terme ou perpétuelle, c’est-à-dire si elle constitue une rente (rente sur l’État, rente foncière sous forme de fermage, obligations à long terme de chemins de fer ou des villes, etc.), en ce cas, il est très bon que la réduction croissante de ses revenus l’avertisse qu’il joue en ce monde le rôle de parasite et qu’il fera bien, s’il veut conserver ou transmettre aux siens une situation sociale équivalente à la sienne, de s’évertuer ou du moins d’apprendre à ses enfants à jouer

  1. Ihering dit, il est vrai, dans La lutte pour le Droit, que « sympathiser avec le débiteur est le signe le plus patent de la faiblesse d’une époque ». Cela dépend. Un emprunteur qui a gaspillé en fils de famille le capital prêté est moins intéressant que le prêteur. Mais un emprunteur qui fait un emploi productif du capital emprunté, nous paraît bien aussi intéressant que le capitaliste rentier qui le lui a prêté.
  2. Malheureusement les salaires ne suivent que de très loin, pede claudo, la hausse des prix là où les ouvriers sont inorganisés, mais ils savent bien la rattraper là où ils sont soutenus par des Trades-Unions.