Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/115

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sent servir à la satisfaction de nos besoins, même ceux que la nature nous donne d’elle-même, fruit de l’arbre à pain, bananes, dattes, ou tous les crustacés et coquillages que l’on appelle en Italie frutti di mare, encore faut-il que l’homme ait pris la peine de les ramasser ! or, la cueillette représente certainement un travail, et qui peut même, suivant les circonstances, devenir fort pénible.

Il faut remarquer d’ailleurs que l’on ne se fait pas d’ordinaire une idée juste du rôle considérable que joue le travail, même dans la création de ces produits qualifiés très inexactement souvent de « naturels » On est disposé à croire, par exemple, que tout ce qui pousse sur la terre, céréales, légumes, fruits, est une libéralité de cette terre, alma parens rerum. En réalité, la plupart des plantes qui servent à l’alimentation des hommes ont été, sinon créées, du moins tellement modifiées par la culture et les travaux de centaines de générations qu’à cette heure encore les botanistes n’ont pu retrouver leurs types originaires. Le froment, le maïs, la lentille, la fève, n’ont pu être découverts nulle part à l’état spontané. Même les espèces que l’on retrouve à l’état de nature sont singulièrement différentes de leurs congénères cultivées. Entre les grains acides de la vigne sauvage et nos grappes de raisin, entre les légumes ou les fruits succulents de nos vergers et les racines coriaces ou les baies âpres, vénéneuses quelquefois, des variétés sauvages, la différence est telle que l’on peut bien considérer ces fruits ou ces légumes comme des produits artificiels, c’est-à-dire de véritables créations de l’industrie humaine. Et la preuve, c’est que si le travail incessant de culture vient à se relâcher pendant quelques années, ces produits ne tardent pas, comme l’on dit, à dégénérer, ce qui signifie simplement qu’ils retournent à l’état de nature en perdant toutes les vertus dont l’industrie humaine les avait dotés.

Enfin même pour ces richesses qui ne sont pas « des produits » parce qu’elles préexistent à tout acte de production, telles que la terre d’abord et tous les matériaux à l’état brut ou organisé qu’elle nous fournit, la source jaillissante d’eau