Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/123

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boulangers, en commençant par le Triptolème quelconque qui a inventé le blé et par tous ses successeurs qui ont découvert telle ou telle variété de céréales, qui ont inventé la rotation des cultures ou les procédés de la culture intensive. Mais nous ne pouvons nous en tenir aux travaux manuels proprement dits. Il est clair que le travail du fermier ou du maître du domaine, encore qu’il n’ait pas mis lui-même la main à la charrue, est très utile pour la production du blé, non moins que celui du berger pour la production de la laine, encore que celui-ci n’ait pas fait la tonte lui-même. On ne peut négliger non plus le travail de l’ingénieur qui a dressé le plan d’un système d’irrigation, de l’architecte qui a construit les bâtiments d’exploitation et les greniers.

Faut-il s’arrêter là ? On le peut sans doute, mais pourtant le travail du garde champêtre qui a effrayé les maraudeurs, celui du procureur de la République qui les a poursuivis, du juge qui les a condamnés, du soldat qui a protégé les récoltes contre ces dévastateurs de pire espèce qui sont les armées ennemies, n’ont-ils pas eux aussi contribué à la production du blé ? Et que dire du travail de ceux qui ont formé l’agriculteur lui-même et ses gens, de l’instituteur qui leur a inculqué des notions d’agriculture ou les moyens de les acquérir, du médecin qui les a entretenus en bonne santé ? Est-il donc indifférent, même à ne considérer que la production du blé, que les travailleurs soient instruits et bien portants, qu’ils possèdent l’ordre et la sécurité et qu’ils jouissent des bienfaits d’un bon gouvernement et de bonnes lois ? A-t-on même le droit d’écarter comme indifférents à la production du blé les travaux les plus étrangers a l’agriculture, tels que ceux des littérateurs, poètes, artistes ? Pense-t-on que le goût des travaux agricoles ne puisse être utilement, développé dans une société par tes romanciers qui nous retracent les scènes de la vie rustique ou les poètes qui célèbrent les charmes des travaux des champs et qui nous apprennent à répéter avec l’auteur des Géorgiques :

O fortunatos nimium sua si bona norînt
Agricolas !