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CHAPITRE III

LE CAPITAL

I

LES DEUX CONCEPTIONS DU CAPITAL.

Aucune conception économique, après celle de la valeur, n’a fait surgir plus de théories que celle du capital. Cependant on peut les ramener à deux grandes tendances opposées : l’une est celle des économistes, l’autre celle des socialistes.

Voici la première.

Entre les innombrables auteurs qui nous ont raconté des histoires de Robinsons et qui se sont proposés de nous montrer l’homme seul aux prises avec les nécessités de l’existence, il n’en est pas un seul qui n’ait eu soin de doter son héros de quelques instruments ou provisions, d’ordinaire sauvés d’un naufrage. Ils savent bien, en effet, que sans cette précaution il leur faudrait arrêter leur roman dès la seconde page, l’existence de leur héros ne pouvant se prolonger au delà. Cependant que leur manquerait-il à tous ces Robinsons ? N’auraient-ils pas les ressources de leur travail et les trésors d’une nature féconde, quoique vierge ? Oui, mais quelque chose pourtant leur ferait défaut et, comme ils ne peuvent s’en passer, il faut bien que l’auteur s’arrange par un artifice quelconque pour le leur procurer ce quelque chose, c’est le capital.

Il n’est pas besoin du reste d’aller chercher l’exemple d’un Robinson pour se convaincre de l’utilité du capital. Au milieu de nos sociétés civilisées, la situation n’est pas différente. Il n’est pas de problème plus difficile à résoudre, dans le