taine richesse de la circulation), mais comme chaque pièce de monnaie représente un bon donnant à son possesseur le droit de prélever une valeur équivalente sur la masse des richesses existantes, il est clair que celui qui accumule ces pièces se ménage par là une richesse disponible, et tout aussi réelle pour lui que s’il la produisait par son travail. Mais c’est là un point de vue purement individuel.
Nous voyons bien en effet la thésaurisation s’appliquer à la monnaie, mais, en dehors d’elle, il est douteux que l’épargne ait jamais créé un seul capital. La hache de pierre taillée de l’homme quaternaire n’a pas été le résultat d’une épargne. Il est probable qu’il était aussi peu en mesure de restreindre sa consommation que le prolétaire de nos jours qui gagne tout juste de quoi ne pas mourir de faim. Ce n’est pas en restreignant sa consommation, c’est en augmentant sa production par exemple à la suite d’une journée de chasse heureuse qui lui avait rapporté plus que de coutume, qu’il a créé ce premier capital. Pense-t-on que pour passer de l’état de peuple chasseur à l’état agricole, les peuples aient dû préalablement épargner des approvisionnements pour toute une année ? Rien de moins vraisemblable. Ils ont tout simplement domestiqué les bestiaux, et ce bétail qui a été leur premier capital leur a donné, avec la sécurité du lendemain, le loisir nécessaire pour entreprendre les longs travaux. Mais en quoi, comme le fait très bien remarquer Bagehot[1], un troupeau représente-t-il une épargne quelconque ? Son possesseur a-t-il dû s’imposer des privations ? Tout au contraire, grâce au lait et à la viande, il a été mieux nourri ; grâce à la laine et au cuir, il a été mieux vêtu.
Nous n’entendons nullement, du reste, contester les mérites ni les vertus de l’épargne. Mais si l’épargne joue un rôle, et un rôle considérable dans la consommation[2], nous ne voyons pas ce qu’elle a à faire dans la production. C’est une confusion.