Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/184

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Le monopoleur au contraire, a en général un grand intérêt et se fait même un point d’honneur de maintenir la qualité supérieure de ces produits, la réputation de sa marque.

4o  Qu’elle n’assure pas toujours le bon marché et peut même dans bien des cas provoquer la cherté. Ce résultat paradoxal se produit toutes les fois qu’il y a encombrement des producteurs dans une branche quelconque de l’industrie. L’exemple est frappant, par exemple, pour la boulangerie. Le nombre des boulangers est ridiculement exagéré. Chacun d’eux vendant de moins en moins, par suite de la concurrence, est obligé de se rattraper en gagnant davantage sur chaque article. Un nouvel arrivant ne peut pas abaisser les prix, puisqu’il sont déjà juste suffisants pour permettre aux anciens producteurs de vivre, et il va les faire élever au contraire, puisqu’il faudra en faire vivre un de plus sur la même quantité vendue[1].

En sens inverse, le régime du monopole n’est pas le régime du bon plaisir les prix n’y sont pas plus arbitraires que sous le régime de la concurrence, car dans un cas comme dans l’autre ils sont soumis à la loi générale des valeurs, le prix d’un objet quelconque ayant pour limite les désirs des consommateurs pour cet objet et les sacrifices qu’ils sont disposés à faire pour se le procurer. Sans entrer dans la question difficile de la détermination du prix sous un régime de mono-

    qu’elle assure simplement la victoire au plus fort et au plus habile et que par là elle peut même entraîner une véritable rétrogradation morale, puisque comme le dit le proverbe « on est obligé de hurler avec les loups ».

  1. Autrefois le nombre des boulangers dans chaque ville était fixé en raison du chiffre de la population et le pain était relativement moins cher qu’aujourd’hui. À Paris, il y a 30 ans seulement, comptait un boulanger pour 1.800 habitants ; aujourd’hui on en compte un pour 1.300 habitants, et même, si l’on compte les succursales, 1 pour 800.
    Nul n’a dénoncé les vices de la concurrence, et notamment celui qui paraît si paradoxal de la cherté, avec plus de verve que Fourier. Mais ce même Stuart Mill que nous venons de citer a reconnu pourtant (dans une déclaration devant une commission de la Chambre des Communes du 6 juin 1850) que les intermédiaires touchent une part extravagante du produit total du labeur de la société, et que « la concurrence n’a d’autre effet que de partager la somme entre un plus grand nombre et de diminuer la part de chacun plutôt que de faire baisser la proportion de ce qu’obtient la classe en général ».