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rait devoir passer par ces trois étapes successives : 1° concurrence des petits producteurs ; 2° monopole des grands producteurs ; 3° réglementation législative. Cette perspective, qui nous conduirait tout droit au collectivisme ou du moins au socialisme d’État, n’est heureusement pas fatale. Nous pouvons très bien concevoir et nous commençons déjà à voir réalisé un régime où la libre entente — entre les fabricants par des syndicats, entre les ouvriers par des Trades-Unions, surtout entre les producteurs et les consommateurs par des sociétés coopératives — fera disparaître la plupart des maux de la concurrence sans remettre la liberté du travail sous le joug d’une réglementation officielle[1].


IV

LES CRISES.

L’organisation automatique de la production, telle que nous venons de l’exposer, fondée uniquement sur la concurrence est très instable. Elle est donc sujette à se déranger et même très fréquemment. Toutes les fois qu’une rupture d’équilibre se produit, on dit qu’il y a crise.

Les crises sont donc véritablement les maladies de l’organisme économique ; elles présentent des caractères aussi variés que les innombrables maladies qui affligent les hommes. Les unes ont un caractère périodique, les autres sont absolument irrégulières. Les unes sont courtes et violentes comme des accès de fièvres ; les autres sont lentes « comme des anémies », dit M. de Laveleye. Les unes sont localisées à un pays

  1. Il y a d’ailleurs, en dehors des arguments économiques, des arguments d’ordre moral et philosophique pour croire que la coopération (solidarité, union, amour) est destinée à se substituer de plus en plus à la concurrence (lutte, égoïsme, individualisme). Et même dans le domaine biologique, une école nouvelle incline à-croire que l’association pourrait bien être un ressort du progrès et de l’amélioration des espèces aussi puissant que la concurrence de Darwin et de Spencer. Voy. Geddes, L’évolution des sexes (traduit en français).