Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/218

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physiocrates le niaient. Ils prétendaient même démontrer que l’échange ne pouvait rien faire gagner à personne. En effet, disaient-ils, tout échange, s’il est équitable, suppose l’équivalence des deux valeurs échangées et implique par conséquent qu’il n’y a ni gain ni perte d’aucun côté. Il est vrai qu’il peut y avoir une dupe, mais en ce cas le profit de l’an a pour compensation exacte le dommage de l’autre, en sorte que dans tous les cas le résultat final est zéro[1]. C’est là un pur sophisme que Condillac a réfuté depuis longtemps. Il suffit de remarquer d’abord que si aucun échange ne faisait rien gagner à personne ou si tout échange supposait nécessairement une dupe, il serait difficile de comprendre pourquoi les hommes persistent à pratiquer l’échange depuis tant de siècles. En réalité, ce que je cède par l’échange est toujours moins utile pour moi, moins désirable, vaut moins, que ce que j’acquiers, car sans cela il est bien évident que je ne le céderais pas et mon coéchangiste fait de son côté le même raisonnement. Chacun de nous pense par l’échange recevoir plus qu’il ne donne et si bizarre que cela paraisse, chacun a raison. Il n’y a dans ces jugements opposés et dans ces préférences inverses aucune contradiction, puisque nous savons que l’utilité de toute chose est purement subjective et varie suivant les besoins et les désirs de chacun (Voy. ci-dessus, p. 55)[2].

Sans nous attarder à ces discussions subtiles, voici quels sont les avantages de l’échange au point de vue pratique :

1o  L’échange permet d’utiliser pour le mieux une grande quantité de richesses qui sans lui seraient restées inutiles.

Sans l’échange que ferait l’Angleterre de sa houille, la Californie de son or, le Pérou de son guano, le Brésil de son

  1. Voy. Quesnay, Dialogues sur le Commerce, et Le Trôsne, De l’intérêt social.
  2. Cette assertion est évidemment incompatible avec la théorie marxiste de la valeur qui implique au contraire l’équivalence des deux valeurs échangées et même leur identité : les deux objets échanges auraient la même valeur parce qu’ils contiennent la même quantité de travail social. Notre proposition implique l’adhésion à l’autre théorie de la valeur, celle qui la fonde sur l’utilité subjective et qui y voit un phénomène antérieur à l’échange et servant de cause et d’explication à l’échange.