Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/220

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l’échange tout ce qui lui sera nécessaire, se préoccupe seulement de faire ce qu’il pourra faire le mieux il règle désormais sa production non sur ses besoins, mais sur ses aptitudes ou ses moyens. Avant l’échange, chacun en ce monde devait se préoccuper de produire ce qui lui était le plus nécessaire depuis l’échange, chacun en ce monde se préoccupe seulement de produire ce qui lui est le plus aisé. Voilà une grande et merveilleuse simplification.

On peut dire que les avantages que nous venons de signaler ressemblent beaucoup à ceux que procure la division du travail, et en effet, ce sont bien les mêmes, mais combien singulièrement agrandis et multipliés ! Si l’échange n’existait pas, l’association et la division du travail exigeraient nécessairement un concert préalable entre les coopérateurs il faudrait que tous s’entendissent pour concourir à l’œuvre commune. Mais l’échange dispense de cet accord préalable et par là permet à la division du travail de franchir le cercle étroit de l’atelier ou de la communauté de famille, pour rayonner sur toute la surface d’un vaste pays et jusqu’aux extrémités de la terre. Chacun désormais, de près ou de loin, produira suivant ses aptitudes naturelles ou acquises, suivant les propriétés naturelles de la région qu’il habite il pourra se consacrer tout entier à un seul travail et jeter toujours le même produit sur le marché, assuré qu’il est, grâce aux mécanismes ingénieux que nous étudierons plus loin, de retirer en échange n’importe quel autre produit dont il aura besoin. On a souvent fait remarquer que ce que chacun de nous consomme dans un jour était le résultat combiné de l’action de centaines et peut-être de milliers de travailleurs, tous réunis par le lien d’une association très réelle quoique inconsciente[1].

  1. On raconte que le richissime industriel américain, M. Carnegie, en offrant un splendide festin aux membres du congrés pan-américain de 1890, leur dit fièrement « Le monde presque entier a contribué au menu qui va vous être servi ! » Très bien, mais ce qui est mieux c’est qu’un pauvre homme pourrait en dire exactement autant de son dîner ! Comme le dit très bien M. de Laveleye : « Le plus pauvre ouvrier consomme les produits des deux mondes. La laine de ses habits vient d’Australie ; le riz de sa