Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/244

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pour deux raisons : 1o  parce que, à l’inverse de la précédente, elle est de nature à induire en tentation un gouvernement. Faire des pièces de 20 francs avec des lingots qui n’en valent que 18 ou 19 est une opération assez séduisante pour un gouvernement besogneux et peu scrupuleux et, par le fait, nombreux sont ceux qui s’y sont laissés entraîner : il suffit de se souvenir du surnom de « faux-monnayeur » que le ressentiment public a attaché à la mémoire de certains rois de France, Philippe le Bel entr’autres (assez injustement d’ailleurs, paraît-il)[1] ; 2o  parce que, une fois qu’une semblable monnaie est entrée dans la circulation, elle ne s’élimine pas par la force même des choses comme la monnaie forte ; elle demeure au contraire, et on a même, comme nous le verrons tout à l’heure (Voy. Loi de Gresham), toutes les peines du monde à s’en débarrasser.

Pour maintenir l’équivalence entre la valeur du lingot et celle de la pièce, il est de règle dans tout bon régime monétaire — et c’est ici un principe capital — de laisser à quiconque voudra transformer un lingot en monnaie la faculté de le faire (non pas chez lui, bien entendu), mais par l’intermédiaire de l’Hôtel des Monnaies c’est ce qu’on appelle la liberté du monnayage. Aussi longtemps qu’elle existe, elle garantit l’équivalence, car s’il arrivait que la valeur de la pièce d’or fût supérieure à celle du lingot, chacun s’empresserait de profiter du bénéfice qui résulterait de la fabrication de cette monnaie.

  1. On sait que l’unité monétaire sous l’ancien régime s’appelait la livre. Mais on ne sait pas d’ordinaire que ce nom lui vient de ce qu’à l’origine, du temps de Charlemagne, elle représentait réellement un poids d’une livre d’argent (la livre carolingienne était de 408 grammes seulement) c’est-à-dire qu’elle représentait un poids égal à celui de 82 francs d’aujourd’hui ! Comment est-elle tombée de chute en chute à ce poids de 5 grammes qui était à peu près celui de la livre à la fin de l’ancien régime et qui est devenu celui de notre franc ? — Uniquement par une série continuelle d’émissions de monnaies de plus en plus faibles chaque roi rognait un peu sur le poids de l’ancienne livre, tout en essayant de lui maintenir son ancienne valeur légale. — L’histoire de la livre anglaise est à peu près la même, un peu plus honorable cependant pour le gouvernement anglais, puisque étant partie du même point de départ, elle s’est arrêtée dans sa chute à la valeur de 25 francs qui est sa valeur actuelle.