Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/257

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Il est facile de voir que, grâce à ce commerce, une certaine quantité de monnaie d’argent était sortie de France et qu’elle avait été remplacée par une quantité égale de monnaie d’or. C’est justement le jeu de la loi de Gresham : la monnaie forte est remplacée par la monnaie faible. C’est par pleines cargaisons que l’on emportait aux Indes les pièces d’argent de France. On les achetait à leur poids d’argent pour les vendre aux hôtels des monnaies de Bombay et de Madras et les convertir en roupies. Durant cette période, ces hôtels transformèrent en monnaie indienne plus de deux milliards de nos pièces françaises.

On ne tarda pas à souffrir d’une véritable disette de monnaie d’argent. Pour arrêter sa fuite, on n’aurait pas manqué, au temps jadis, de recourir à des mesures prohibitives et peut-être à des pénalités contre les gens qui exportaient la monnaie d’argent. La science économique, en indiquant la cause du mal, permettait d’apporter un remède bien plus efficace. La monnaie d’argent disparaissait parce qu’elle était trop forte ; il suffisait donc de l’affaiblir en diminuant son poids ou simplement sa proportion de métal fin, et on pouvait être certain qu’on lui aurait coupé les ailes : elle ne bougerait plus. C’est ce que firent d’un commun accord la France, l’Italie, la Belgique, la Suisse, par la convention du 23 décembre 1865. Le titre de toutes les pièces d’argent, hormis des pièces de 5 francs, fut abaissé de 900/1.000 à 835/1.000, ce qui leur enlevait un peu plus de 7 % de leur valeur. Toutes ces pièces devinrent donc, et sont restées depuis, de la monnaie de billon, et, suivant les principes invariables en cette matière, elles ont perdu depuis ce jour leur caractère de monnaie légale et n’ont plus été reçues que comme monnaie d’appoint[1]. Pourquoi lit--

    faisait frapper à la Monnaie de Paris sous la forme de 3.100 francs or. Il gagnait donc 100 francs brut sur cette opération, soit un peu plus de 3 %, et déduction faite du prix de monnayage et de transport, l’opération était encore très lucrative.

  1. Jusqu’à concurrence de 50 fr. entre particuliers et de 100 fr., mais en fait sans limitation, dans les caisses publiques. Il est juste en effet que l’État ne puisse refuser la monnaie qu’il émet lui-même.