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et la Grèce, — presque tous les États d’Amérique[1], et surtout les États-Unis grands possesseurs de mines d’argent, ne sont pas disposés à abandonner leur système. Au contraire, dans les congrès réitérés qui se sont réunis depuis quelques années, ils se sont efforcés, sans succès d’ailleurs, de rallier au système bi-métalliste les États qui s’en étaient détachés. Et même on peut constater depuis quelques années parmi les agriculteurs, au point de vue pratique, et parmi les économistes, au point de vue théorique, un retour très accentué dans le sens bi-métalliste.

C’est qu’en effet l’adoption du système mono-métalliste ne paraît ni sans inconvénients ni même sans dangers, tant pour le présent que pour l’avenir :

1o Le premier inconvénient, c’est que l’adoption de l’étalon d’or entraîne la démonétisation de l’argent : car si on enlève à la pièce de 5 francs le caractère de monnaie légale, il faut aussi la retirer, au moins en partie, de la circulation. Or, on estime qu’il y a en France près de 3 milliards de fr. en écus qui, vendus au poids d’argent, vaudraient à peine 1.400 millions. Les frais de cette opération s’élèveraient donc à plus d’un milliard et demi et probablement beaucoup plus encore, car il est évident qu’une semblable mesure aurait pour effet de précipiter encore plus bas la chute du métal argent[2].

2o Un second inconvénient, c’est que si tous les pays choi-

  1. Les États-Unis n’ont pas adopté le même rapport que l’Union Latine entre la valeur des deux métaux entre leur dollar or et leur dollar-argent, le rapport est de 1/16. Les États-Unis seraient depuis longtemps convertis au mono-métallisme, comme l’Angleterre, sans la nécessité de réserver un débouché à leurs abondantes mines d’argent et sans l’influence des richissimes propriétaires (silvermen) qui y sont intéressés. C’est pour cette raison qu’en vertu de lois qui ont causé une grande agitation, ont servi plusieurs fois de plate-forme électorale et n’ont été abrogées qu’après une vive résistance, le gouvernement était tenu de faire frapper un certain nombre de millions de dollars d’argent chaque mois.
  2. On dira peut-être que l’État n’aurait qu’à laisser la perte pour compte aux porteurs des écus de 5 francs ? — D’abord ce serait un procédé peu honorable de la part de l’État qui a garanti la valeur de ces pièces par le fait qu’il a inscrit cette valeur sur la pièce elle-même ; et en tous cas ce serait la ruine de la Banque de France, car elle a dans son encaisse plus de 1.200 millions d’argent, sur lesquels elle se trouverait perdre plus de 660 millions, c’est-à-dire plus de trois fois le montant de son capital.