Aller au contenu

Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fier quand même nous le pourrions, parce qu’elles sont bonnes ou du moins les meilleures possibles[1]. La tâche de l’économiste se borne à découvrir le jeu de ces lois naturelles, et le devoir des individus et des gouvernements est de s’appliquer à régler leur conduite d’après elles.

2° Ces lois ne sont point contraires à la liberté humaine ; elles sont, au contraire, l’expression des rapports qui s’établissent spontanément entre les hommes vivant en société, partout où ces hommes sont laissés à eux-mêmes et libres d’agir suivant leurs intérêts. En ce cas, il s’établit entre ces intérêts individuels, antagoniques en apparence, une harmonie qui constitue précisément l’ordre naturel et qui est de beaucoup supérieur à toute combinaison artificielle que l’on pourrait imaginer.

3° Le rôle du législateur, s’il veut assurer l’ordre social et le progrès, se borne donc à développer autant que possible ces initiatives individuelles, à écarter tout ce qui pourrait les gêner, à empêcher seulement qu’elles ne se portent préjudice les unes aux autres, et par conséquent l’intervention de l’autorité doit se réduire à un minimum indispensable à la sécurité de chacun et à la sécurité de tous, en un mot à laisser faire[2].

Une telle conception ne manque, certes, ni de simplicité ni de grandeur. Quelle que soit la destinée qui lui est réservée, elle aura du moins le mérite d’avoir servi à consti-

  1. « Les lois qui président au capital, au salaire, à la répartition des richesses sont aussi bonnes qu’inéluctables. Elles amènent l’élévation graduelle du niveau humain ». Leroy-Beaulieu, Précis d’Économie politique.
  2. « Nous disons que ces lois naturelles gouvernent la production et la distribution de la richesse de la manière la plus utile, c’est-à-dire la plus conforme au bien général de l’espèce humaine ; qu’il suffit de les observer, en aplanissant des obstacles naturels qui s’opposent à leur action, et surtout en n’y ajoutant point des obstacles artificiels, pour que la condition de l’homme soit aussi bonne que le comporte l’état d’avancement de ses connaissances et de son industrie. C’est pourquoi notre évangile se résume en ces quatre mots laisser faire, laisser passer ». De Molinari, Les lois naturelles. Tout le célèbre ouvrage de Bastiat, les Harmonies économiques, n’est que le développement de cette idée.