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II

HISTORIQUE DU CRÉDIT.


De tous les modes d’organisation sociale, le crédit est de beaucoup le plus récent. En effet, sa fonction, telle que nous venons de la définir, est trop compliquée pour avoir pu naître dans des sociétés primitives, car elle suppose, au préalable, l’accumulation des capitaux sous la forme monnayée. Le crédit se faisait toutefois sous la forme de prêt de bétail.

Cependant, dira-t-on, le prêt (sinon la vente à terme) a déjà tenu une grande place dans l’antiquité et au moyen-âge ? il est vrai : mais uniquement comme mode d’assistance, entre gens de même famille, de même classe, ou comme mode d’exploitation, entre étrangers ou gens de classes différentes[1] ― rarement comme mode de production. Et de là la défaveur qui s’est attachée à si juste titre à cette forme de contrat et les émeutes que cette question des dettes a si souvent provoquées. Les canonistes du moyen-âge, en s’appliquant à dégager du contrat de prêt les cas où il était productif (et où ils admettaient l’intérêt comme légitime) de ceux où il était improductif (et où ils condamnaient l’intérêt comme usuraire), ne raisonnaient pas si mal qu’on l’a dit et leurs préoccupations répondaient très bien aux nécessités de leur temps[2].

Le crédit, en tant que mode de production, n’a véritablement pris naissance que du jour où les richesses futures, non encore existantes, qui constituent son véritable objet ont été en quelque sorte réalisées et mises dans le commerce sous la forme de titres négociables. Il y a eu là une véritable révolu-

  1. « Tu pourras prêter à intérêt à l’étranger, mais non à ton frère » (Deutéronome, XXIII, 20).
  2. Voy. Ashley, Economic History, et ci-après, De l’intérêt.