Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/342

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lisée, nombre de gens qui ne peuvent tirer parti de leurs capitaux, à savoir :

Ceux qui en ont trop : car dès qu’une fortune dépasse un certain chiffre, il n’est pas facile à son possesseur de la faire valoir par ses seules forces — sans compter que d’ordinaire, en pareil cas, il n’est guère disposé à prendre la peine nécessaire pour cela ;

Ceux qui n’en ont pas assez : car les ouvriers, paysans, domestiques, qui ont fait quelques petites économies, ne sauraient donner eux-mêmes un emploi productif à ces capitaux minuscules et pourtant ces petits sous, une fois réunis, peuvent former des milliards ;

Ceux qui, à raison de leur âge, de leur sexe, ou de leur profession, ne peuvent faire-valoir par eux-mêmes leurs capitaux dans des entreprises industrielles : les enfants, les femmes, les personnes qui se sont consacrées à une profession libérale, avocats, médecins, militaires, prêtres, fonctionnaires et employés de tout ordre.

Et d’autre part, il ne manque pas de gens de par le monde, faiseurs d’entreprise, inventeurs, agriculteurs, ouvriers même, qui sauraient tirer bon parti des capitaux, s’ils en avaient : malheureusement, ils n’en ont pas.

Dès lors si, grâce au crédit, les capitaux peuvent passer des mains de ceux qui ne peuvent ou ne veulent rien en faire aux mains de ceux qui sont en mesure de les employer productivement, ce sera un grand pont pour chacun d’eux et pour le pays tout entier. Or, c’est par milliards que se chiffrent, dans un pays comme la France, les capitaux ainsi soustraits soit à une thésaurisation stérile, soit à une consommation improductive, et fécondés par le crédit. On a dit avec raison que le crédit avait cette vertu de faire passer à l’état actif les capitaux qui était à l’état latent[1].

  1. En somme, le crédit joue vis-à-vis des capitaux le même rôle que l’échange vis-à-vis des richesses. Nous avons déjà vu que l’échange, en les transférant d’un possesseur à l’autre, ne les crée pas, mais sert à les mieux utiliser et à mieux utiliser aussi le travail de production (Voy. ci-dessus, p. 211).
    Le crédit permet aussi d’économiser une certaine quantité de monnaie