Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/386

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préoccupons ici de prévenir la crise et non d’en punir les auteurs.

Et nous trouvons ici un nouvel argument en faveur du monopole. Il y a lieu de penser, en effet, qu’une banque occupant une position éminente dans un pays, forte de son histoire et de ses traditions, apportera dans l’émission de ses billets toute la prudence désirable et que c’est même là la seule garantie vraiment efficace. L’expérience confirme, du reste, cette manière de voir pour toutes les grandes banques et tout particulièrement pour la Banque de France à laquelle on n’a guère pu reprocher, depuis près d’un siècle qu’elle existe, qu’une prudence plutôt exagérée[1]. Or la Banque de France n’avait jamais été soumise, en fait d’émission, à aucune réglementation. Depuis 1883 seulement on a établi un maximum d’émission, maximum d’ailleurs purement théorique, car il n’a jamais été atteint[2].

À l’inverse, aux États-Unis où règne le système de la libre concurrence, nous voyons le législateur multiplier les réglementations du droit d’émission (p. 375, note 1).

Il semble donc en résumé que l’on n’ait que le choix entre ces deux systèmes :

ou le monopole avec pleine liberté d’émission ;

ou la libre concurrence avec réglementation de l’émission.

Donc de toute façon il faut sacrifier quelque chose de la liberté, et elle nous paraît avoir encore moins à souffrir du premier système que du second.

  1. On a même vu à certaines époques le montant de l’encaisse dépasser la valeur des billets émis ! Et depuis quelques années, elle se maintient presque toujours à 10 % seulement-au-dessous, du chiffre de l’émission.
  2. Le maximum est de date récente il n’existait pas dans les statuts de la Banque et a été introduit par surprise, peut-on dire, dans la loi des finances de 1883 : il n’existait auparavant que pour le cas de cours forcé. Fixé à 3 milliards 1/2 en 1883, il a été élevé à 5 milliards en 1897.
    Cette limite est beaucoup trop élevée. Si elle devait jamais être atteinte, elle représenterait 4 ou 5 fois plus que le montant ordinaire de l’émission en Angleterre. Il est vrai que la France a besoin de beaucoup plus de monnaie de papier que l’Angleterre parce qu’elle emploie beaucoup moins le système des chèques et compensations (Voy. p. 279).