Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/446

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la satisfaction des besoins et non dans la poursuite du profit, à moraliser les relations économiques par la suppression de la réclame, de la fraude, de la falsification des denrées, du sweating system, etc., à supprimer tous les modes d’exploitation de l’homme par l’homme et toutes les causes de conflit. On peut même dire que toute grande forme d’association coopérative a pour caractéristique l’abolition d’un conflit particulier, d’un duel d’intérêts antagonistes : — l’association de consommation supprime le conflit entre le vendeur et l’acheteur celle de crédit, le conflit entre le créancier et le débiteur — celle de production, le conflit entre le patron et le salarié[1].

Ces associations réaliseront-elles un si ambitieux programme ? Beaucoup en doutent[2]. Les associations coopératives de production, sur lesquelles le vieux socialisme français avait fondé de si grandes espérances, n’ont pas donné de brillants résultats. Mais les associations de crédit et surtout celles de consommation prennent un développement qui a surpris leurs adversaires et même leurs apôtres. Ces dernières surtout visent à absorber en elles toutes les formes coopératives et à réaliser une sorte de république coopérative dans laquelle toute la direction de la production passerait entre les mains des Consommateurs, ce qui ne serait certes pas une petite révolution.

  1. Il y a d’autres formes d’associations qui ont aussi pour but de supprimer un certain conflit : — par exemple les syndicats ouvriers et les syndicats patronaux cherchent bien à supprimer la concurrence entre ouvriers d’un même corps de métier ou patrons dans une même industrie. Mais il s’agit ici du conflit qui naît de la rivalité d’intérêts similaires, tandis que dans l’association coopérative il s’agit du conflit qui naît de la divergence d’intérêts opposés.
  2. On trouvera dans le grand Traité d’économie politique, de M. P. Leroy-Beaulieu et aussi dans de nombreux articles de M. Brelay dans le Monde Économique, toutes les critiques qu’on peut faire valoir contre le coopératisme envisagé comme « palingénésie sociale » — Pour la thèse inverse voyez dans la Revue socialiste de 1888 notre article sur l’Avenir de la coopération, et dans la Revue d’Économie politique de 1889 celui sur La coopération et les transformations qu’elle est destinée à réaliser dans l’ordre économique.