Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/458

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nue : — et il ne peut diminuer qu’autant que les ouvriers mettent en application les principes de Malthus, soit en s’abstenant de se marier, soit en n’ayant que peu d’enfants[1].

Cette théorie est assurément fort décourageante pour la classe ouvrière. Elle implique en effet que le diviseur (c’est-à-dire le chiffre de la population ouvrière) tend à s’accroître beaucoup plus rapidement que le dividende (c’est-à-dire le capital disponible), d’où il résulte nécessairement que le quotient (c’est-à-dire le salaire) doit tendre à diminuer jusqu’à ce qu’il se soit abaissé à ce minimum au-dessous duquel il ne peut plus descendre. Et la raison en est évidente, c’est que la production des enfants est beaucoup plus aisée que celle des capitaux, car celle-ci suppose l’abstinence, et celle-là précisément le contraire ! La population se multiplie d’elle-même, mais non pas le capital.

Cette théorie, quoique encore défendue par certains économistes, est aujourd’hui assez discréditée et à juste titre, pensons nous.

D’abord le fait sur lequel elle s’appuie, à savoir qu’il faut une certaine quantité de capital circulant pour pouvoir faire travailler des ouvriers, n’a d’intérêt qu’au point de vue de la production et nullement de la répartition. Autre chose est la question de savoir si un entrepreneur aura de quoi faire travailler des ouvriers autre chose est de savoir quelle est la part qu’il pourra leur donner. La réponse à la première question dépend de ce qu’if possède la réponse à la seconde dépend de ce qu’il produira. La demande des bras dépend de l’activité industrielle et cette activité dépend à son tour des espérances des entrepreneurs plutôt que de la somme de leurs capitaux.

De plus la prétendue précision de cette théorie n’est qu’un

  1. C’est ce que déclare expressément Stuart Mill, l’économiste qui a le plus fortement développé cette doctrine (que d’ailleurs il a plus tard abandonnée) : « Les salaires dépendent du rapport qui existe entre le chiffre de la population laborieuse et le capital… et sous l’empire de la concurrence ils ne peuvent être affectés par aucune autre cause ».
    Et naturellement sa conclusion est celle-ci « Il n’y a pas d’autre sauvegarde pour les salariés que la restriction des progrès de la population ».