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n’a pas de besoins, l’anachorète se suffit à lui-même : c’est justement ce qu’il ne faut pas. Et en ce qui concerne les classes ouvrières, il faut se réjouir, non s’attrister, que des besoins et des désirs nouveaux sans cesse les tourmentent ; sans cela, elles seraient restées dans une éternelle servitude.

III

POURQUOI LES BESOINS SONT LIMITÉS EN CAPACITÉ ?

Ainsi les besoins sont illimités en nombre, mais par contre, ils sont limités en capacité. C’est ici une des propositions les plus importantes de l’économie politique puisque, comme nous le verrons, c’est sur elle que se fonde la théorie de la valeur.

Les besoins sont limités en capacité en ce sens que pour satisfaire l’un quelconque d’entre eux, une certaine quantité d’un objet quelconque suffit. Il est clair qu’il ne faut à l’homme qu’une certaine quantité de pain pour le rassasier et une certaine quantité d’eau pour le désaltérer.

Il y a plus. Tout besoin va décroissant en intensité au fur et à mesure qu’il se satisfait, jusqu’au point où il y a satiété, c’est-à-dire où le besoin s’éteint et est remplacé par le dégoût ou même la souffrance[1]. C’est le pire des supplices que de souffrir du manque d’eau mais c’était aussi une des pires tortures du moyen âge que celle « de l’eau quand on l’ingurgitait de force dans l’estomac du supplicié.

Plus le besoin est naturel, je veux dire physiologique, et plus la limite est nettement marquée. Il est facile de dire combien de grammes de pain et de centilitres d’eau sont nécessaires et suffisants pour un homme. Plus le besoin est artificiel, je veux dire social, et plus la limite est élastique. Il

  1. C’est comme ces séries bien connues des mathématiciens qui vont diminuant jusque zéro, puis recommencent à croître au-dessous de zéro, mais en prenant une valeur négative.