Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/632

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puisque son titre se vend à la Bourse plus de 100 fr. ; il risque aussi de perdre sur sa valeur future, puisqu’il est probable que si le crédit de l’État se soutient et grandit, ce titre, même converti, vaudra plus tard plus de 100 fr. (en fait il vaut aujourd’hui, décembre 1897, 106 fr.). Remarquez que si le Ministre des finances sait son métier, il choisira, pour faire cette opération, le moment où les cours sont en hausse et où, par conséquent, il sera impossible au rentier de placer son argent en bonnes valeurs à plus de 3 ou 3 1/2 p. 0/0. Dès lors, puisque d’une part le rentier ne pourra tirer de son argent un taux d’intérêt supérieur à celui qu’on lui offre, puisque d’autre part le remboursement le mettrait en perte, il acceptera — quoique de fort mauvaise humeur — la réduction d’intérêts[1]. Dans l’exemple que nous avons choisi, comme dans tous les autres, l’unanimité des rentiers, sauf une proportion infinitésimale de récalcitrants, a accepté. Or comme les arrérages des rentes 4 1/2 p. 0/0 représentaient un total de 305 millions, cette réduction dé 1 p. 0/0 a procuré une économie annuelle de 68 millions.

Il ne faut pas oublier que ce 4 1/2 p. 0/0 était lui-même le résultat d’une conversion faite dix ans auparavant sur du 5 p. 0/0 et qui avait procuré plus de 30 millions d’économie, de sorte que la réduction d’intérêts obtenue par ces deux conversions successives n’a guère été moindre de 100 millions qui ont été perdus par les rentiers, mais sans avoir été malheureusement gagnés pour cela par les contribuables.

De plus l’État n’a garanti les rentiers contre toute nouvelle conversion que pour huit ans rien ne l’empêchera donc, en 1902, si son crédit suit une marche ascensionnelle, de réduire

  1. Il n’est d’ailleurs pas bien à plaindre, car s’il a acheté ce titre de rente au moment de l’émission, après la guerre de 1870, il ne l’a payé alors que 83 ou 84 fr., — ce qui revient à dire qu’en offrant le remboursement à 100 fr., l’État offrait encore 16 ou 17 fr. de plus qu’il n’avait reçu ! et que le rentier, par conséquent, touchait 16 ou 17 fr. de plus qu’il n’avait prêté. S’il s’agit d’un rentier qui l’avait acheté plus tard quand la rente était déjà au-dessus du pair, alors il devait savoir qu’on s’expose toujours à certains risques en achetant un titre au-dessus de sa valeur réelle.