Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous mesurerions désormais nous paraîtraient plus longs ou plus hauts de 1/10 ? Cependant il n’en serait rien : en réalité, il n’y aurait là qu’une illusion produite par le raccourcissement de l’unité de mesure. De même, si l’or et l’argent venaient à perdre 1/10 de leur valeur par suite de quelque cause beaucoup moins miraculeuse, par exemple par suite de leur surabondance, il est clair que le prix de tous les objets, c’est-à-dire leur valeur exprimée en monnaie, nous paraîtrait avoir haussé de 1/10.

Nous pouvons donc formuler cette loi : toute variation dans la valeur de la monnaie entraîne une variation inversement proportionnelle dans les prix[1].

Et comme la plus ou moins grande quantité de numéraire est le principal élément qui agit sur la valeur de la monnaie, on peut poser encore cette seconde formule, qui n’est pas cependant aussi absolument vraie que la première : toute variation dans la quantité de monnaie entraîne une variation directement proportionnelle dans les prix. Si, par exemple, la quantité de monnaie vient à doubler dans un pays, on peut tenir pour certain que, toutes choses égales d’ailleurs, les prix hausseront beaucoup, quoiqu’il fût téméraire d’affirmer qu’ils doubleront exactement[2].

  1. La réciproque serait-elle également vraie et pourrait-on dire que toute variation dans les prix suppose une variation inverse dans la valeur de la monnaie ? Oui, si la variation dans les prix est absolument générale : non si elle ne l’est pas ; en ce cas, la variation dans les prix de tels ou tels objets doit tenir a des causes particulières à ces objets eux-mêmes. Voy. le chapitre suivant p. 92.
  2. Cette seconde formule, désignée sous le nom de théorie quantitative de la monnaie, a été fort critiquée dans ces derniers temps et même formellement niée (Voy. articles de M. de Foville dans l’Economiste français, de 1896), mais à tort, croyons-nous. Il faut seulement avoir soin de dire, comme nous l’avons fait, qu’elle n’est vraie que « toutes choses égales d’ailleurs», c’est-à-dire que la quantité n’est pas le seul élément qui influe sur la valeur de la monnaie. Le développement des échanges, l’accroissement de la population, la substitution à la monnaie métallique d’instruments de crédit, et surtout la plus ou moins grande rapidité de sa circulation, qui équivaut à une plus ou moins grande multiplication, constituent autant de causes qui peuvent agir en sens différents sur l’utilité de la monnaie et, par suite, sur sa valeur — indépendamment de toute variation dans sa quantité.