Sur quoi je m’écriai qu’alors j’étais sûrement protestant. Il n’y avait pas de juifs parmi nous, par miracle ; mais un petit gringalet, qui n’avait pas encore parlé, s’écria soudain :
— Mon père, lui, est athée. — Ceci, dit d’un ton supérieur, qui laissa les autres perplexes. Je retins le mot pour en demander l’explication à ma mère :
— Qu’est ce que cela veut dire : athée ?
— Cela veut dire : un vilain sot.
Peu satisfait, j’interrogeai derechef, je pressai ; enfin maman, lassée, coupa court à mon insistance, comme elle faisait souvent par un :
— Tu n’as pas besoin de comprendre cela maintenant, ou : — Tu comprendras cela plus tard. (Elle avait un grand choix de réponses de ce genre, qui m’enrageaient.)
S’étonnera-t-on que des mioches de dix à douze ans se préoccupassent déjà de ces choses ? Mais non ; il n’y avait là que ce besoin inné du Français de prendre parti, d’être d’un parti, qui se retrouve à tous les âges et du haut en bas de la société française.