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saient dans le soir. Nous admirions leur hardiesse, leur élégance. À peine encore distinguait-on la monture et la roue d’arrière minuscule où reposait l’équilibre de l’aérien appareil. La svelte roue d’avant se balançait ; celui qui la montait semblait un être fantastique.

La nuit tombait, exaltant les lumières, un peu plus loin, d’un café-concert, dont les musiques nous attiraient. On ne voyait pas les globes de gaz eux-mêmes, mais, par-dessus la palissade, l’étrange illumination des marronniers. On s’approchait. Les planches n’étaient pas si bien jointes qu’on ne pût, par-ci par-là, en appliquant l’œil, glisser entre deux le regard : je distinguais, par-dessus la grouillante et sombre masse des spectateurs, l’émerveillement de la scène, sur laquelle une divette venait débiter des fadeurs.

Nous avions parfois encore le temps, pour rentrer, de retraverser le grand Luxembourg. Bientôt un roulement de tambour en annonçait la fermeture. Les derniers promeneurs, à contre-gré, se dirigeaient vers les sorties, talonnés par les gardes, et les grandes allées qu’ils désertaient s’emplis-