Page:Gide - Souvenirs de la Cour d’assises.djvu/115

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de gens qui trouvent un cheveu à leur propre opinion dès qu’elle n’est plus exprimée par eux-mêmes :

— Mon père, lui, qui était du jury, il avait coutume de ne les condamner qu’à perpétuité. Il disait qu’on devait leur laisser le temps de se repentir.

Le gros Monsieur hausse les épaules. Pour lui un criminel, c’est un criminel ; qu’on ne cherche pas à le sortir de là.

La Dame qui n’a presque rien dit, émet timidement cette pensée que la mauvaise éducation est souvent pour beaucoup dans la formation du criminel, de sorte que souvent les parents sont les premiers responsables.

Le gros Monsieur, lui, croit qu’après tout l’éducation n’est pas toute-puissante et qu’il est des natures qui sont vouées au mal comme d’autres sont vouées au bien.

Le Monsieur du coin se rapproche et parle d’hérédité :

— La meilleure éducation ne triomphera jamais des mauvaises dispositions d’un fils d’alcoolique. Les trois quarts des assassins sont des enfants d’alcooliques. L’alcoolisme…

La Dame en deuil l’interrompt :

— Et puis aussi l’habitude des femmes, à Narbonne, de porter un foulard noir sur la tête ; un médecin a découvert que ça leur chauffait le cerveau…

Mais elle croit pourtant qu’il y aurait moins de crimes si les parents n’étaient pas si faibles.

— On en a jugé un, à Perpignan, continue-t-elle ; il