Page:Gide - Souvenirs de la Cour d’assises.djvu/21

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d’une blague à tabac de 3 francs, et d’un carnet de chèques inutilisables. On ne parvient pas à recomposer le premier vol et les charges restent si vagues que l’accusation se reporte plutôt sur le second ; mais ici encore rien de précis ; on rapproche de menus faits, on suppose, on induit…

Dans le doute, l’accusation solidarise les deux accusés ; mais leur système de défense est différent. Alphonse porte beau, a souci de son attitude, rit spirituellement à certaines remarques du président :

— Vous fumiez de gros cigares.

— Oh ! fait-il dédaigneusement, des londrès à 25 centimes !

— Vous ne disiez pas tout à fait cela à l’instruction, dit un peu plus tard le président. Pourquoi n’avez-vous pas persisté dans vos négations ?

— Parce que j’ai vu que ça allait m’attirer des ennuis, répond-il en riant.

Il est parfaitement maître de lui et dose très habilement ses protestations. Ses occupations de “ placier ” restent des plus douteuses. On le dit “ l’amant ” d’une vieille fille de 60 ans. Il proteste : “Pour moi, c’est ma mère”.

L’impression sur le jury est déplorable. S’en rend-il compte ? Son front, peu à peu, devient luisant…

Arthur n’est guère plus sympathique. L’opinion du jury est que, après tout, s’il n’est pas bien certain qu’ils aient commis ces vols-ci, ils ont dû en commettre d’autres ;