Page:Gide - Souvenirs de la Cour d’assises.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

voudrait bien aller se coucher, mais les autres l’entraînent. Ils errent au hasard tous les six et atteignent la rue Casimir Delavigne. Braz n’en peut plus ; il voudrait qu’on le laissât. “ Il est temps de s’aller coucher maintenant ”. Mais Lepic ne l’entend pas ainsi ; il prétend l’entraîner hors la ville.

— “ Viens-t’en donc ! J’ai un jardin là-haut, auprès du fort de Tourneville. Nous cueillerons des roses. J’te vas donner un bouquet que t’en garderas longtemps le souvenir. ” (déposition de la fille Gabrielle.)

En vain Gabrielle tire le marin par la manche ; elle voudrait le retenir ; mais il n’est plus en état de rien entendre, ou du moins d’entendre raison. Tous repartent et commencent à monter la longue côte.

Une fille se penche vers l’autre : — Ça ne va-t’y pas se gâter ?… Pour sûr ils vont lui faire son affaire.

— Non, répond l’autre ; il y a toujours des soldats près du fort.

Braz est entre Lepic et “ celui qui a la main en écharpe ” (déposition de Braz). — Cette “ main en écharpe ” l’a beaucoup frappé. — Les filles suivent, puis Goret à quelque distance en arrière.

C’est à cinq heures, c’est-à-dire immédiatement avant l’aube (5 octobre), qu’ils descendent dans le fossé du fort ; sous quel prétexte ? je ne sais. Les deux filles restent en haut.

Que se passe-t-il alors ? Il est malaisé de l’établir. Le marin n’est plus là pour le raconter ; de plus, au moment