Page:Gide - Souvenirs de la Cour d’assises.djvu/96

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— Vous n’avez rien à ajouter au rapport du témoin ? Cordier, qui sent que tout va finir, en sanglotant :

— Monsieur le Président, j’dis la vérité, j’l’ai pas touché. — Puis dans un élan pathétique, du plus fâcheux effet : — Je l’jure sur la tombe de mon père…

Le Président. — Mon enfant, laissez donc votre père tranquille.

Cordier, continuant. — …pas même du bout du doigt…

Pour Cordier, non plus que pour les autres, aucun témoin à décharge n’a été cité. On a bien donné lecture de la lettre d’un des patrons de Cordier ; mais pourquoi n’entendons-nous pas sa mère ? — Parce que Yves Cordier n’a pas voulu qu’elle fût appelée ; il s’est même refusé à donner son adresse.

Le Président. — Pourquoi n’avez-vous pas voulu donner l’adresse de votre mère ?

Cordier ne répond pas.

Le Président. — Alors vous refusez de nous dire pourquoi vous n’avez pas voulu donner l’adresse de votre mère ?

Hélas ! mon président, est-ce donc si difficile à comprendre ? ou n’admettez-vous pas que Cordier ait pu vouloir épargner une honte à sa mère ? Si vous pouviez voir la pauvre femme, comme j’ai fait ensuite,[1] sans doute vous ne vous étonneriez plus.

  1. “Je ne me refuse aucunement à vous donner l’adresse de ma mère, m’écrivit peu de temps après Cordier, de la prison — car, si