Page:Gilbert - Œuvres, édition Nodier, Garnier.djvu/19

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Au banquet de la vie, infortuné convive,
J’apparus un jour, et je meurs :
Je meurs, et sur ma tombe, où lentement j’arrive,
Nul ne viendra verser des pleurs.

Salut, champs que j’aimais, et vous, douce verdure.
Et vous, riant exil des bois !
Ciel, pavillon de l’homme, admirable nature,
Salut pour la dernière fois!

Ah ! puissent voir longtemps votre beauté sacrée
Tant d’amis sourds à mes adieux!
Qu’ils meurent pleins de jours! que leur mort soit pleurée!
Qu’un ami leur ferme les yeux !


On peut douter que Laharpe, si sévère à l’égard d’un poëte mendiant mort à l’hôpital avec l’esprit aliéné, eût jamais trouvé une inspiration aussi belle, des sentiments aussi touchants et aussi vrais, un style aussi pur, aussi élégant, aussi antique : ces vers sont bien le chant du cygne; ils annoncent un développement de goût, un perfectionnement de talent, qui fait regretter tout ce que Gilbert pouvait produire, qui présageait, qui promettait des chefs-d’œuvre que la proscription philosophique a étouf-