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Page:Gilbert - Les Lettres françaises dans la Belgique aujourd’hui, 1906.djvu/74

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J’ai préféré encourager plutôt que discuter aigrement les nobles esprits qui, à travers certaines erreurs parfois, n’ont point hésité à travailler pour l’art d’écrire sur un sol qui fut longtemps légendairement hostile à cet art, lui si glorieux dans tous les autres ! Et si la Belgique littéraire veut aller toujours en grandissant, si elle veut rassembler à brassées, en ses mains prospères, les lauriers dont j’ai tenté de dénombrer ici les premières couronnes, il lui sera fort aisé de le faire. Que nos jeunes écrivains prennent exemple sur leurs aînés, non seulement pour en briguer et en suivre les triomphes, mais aussi pour en éviter les faux pas. Qu’ils fuient les inspirations bizarres où quelques-uns s’égarèrent, qui crurent à tort au prestige absolu d’une forme ciselée ; mais qu’ils imitent la persévérance et le souci permanent d’art qui firent le succès de la renaissance de 1880. Alors, la beauté des lettres françaises de Belgique apparaîtra plus radieuse. Mais, si nous pouvons, dès aujourd’hui, revendiquer à la face de l’Europe une place glorieuse à ce titre, que nul n’oublie la reconnaissance due aux aînés, à ceux qui affrontèrent les premières batailles, à ceux qui d’abord durent creuser leurs mines dans l’ombre, dans une atmosphère étouffante, et qui, un jour, enfin, presque désespérés déjà, virent tomber les dernières parois et éclater, merveilleuse comme le soleil à travers les marbres violés du Simplon, l’aube de nos jeunes lettres, palpitante aux premiers feux de l’Art et de la Vérité.

Mayenne, Imprimerie Ch. COLIN.