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Page:Gilbert - Poésies diverses, 1882, éd. Perret.djvu/224

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Poésies de Gilbert.

Partout je retrouvois leur visage odieux.
Avant-hier enfin, de tristesse abattue,
Après l’aurore au lit je me vis retenue.
Je jette, en m’éveillant, les yeux autour de moi :
Ils étoient à mes pieds : jugez de mon effroi…
J’étois seule, on avoit écarté mes suivantes.
Que faire ? hélas !… « Répondre à nos flammes brûlantes.
Me crioient-ils tous deux, madame, ou bien mourir :
Il n’est plus de retard, parlez, il faut choisir. »
Et tout en me parlant, d’Orme, d’un air farouche,
L’œil en feu présentoit une coupe à ma bouche :
Je la saisis, je feins d’en boire le poison,
J’implore les secours de la religion :
D’Orme va les chercher ; et moi, dans son absence,
J’ose de d’Olinval invoquer la clémence ;
Je m’élance à ses pieds que je baise en pleurant :
« Si la vertu sur vous a le moindre ascendant.
Si vous aimez un frère à qui l’hymen me lie,
Si vous m’aimez moi-même, accordez-moi la vie. »
Mes larmes, mon effroi, la pâleur de mon teint,
Ce trouble attendrissant qui m’agitoit le sein.
Ce pouvoir que mon sexe a sur l’homme sensible,
Tout sembloit adoucir ce lion inflexible :
J’allois tout obtenir, il répandoit des pleurs :
D’Orme rentre, il le voit partager mes douleurs ;
Et, sans l’importuner d’un reproche inutile,
Terrible, un glaive en main, l’œil de rage immobile,
Fond sur moi^ de vingt coups me déchire le flanc.
Fuit, emmène son frère, et me laisse en mon sang
Me traîner en criant : Au secours ! on me tue !
Je mourois : on arrive, et je suis secourue :