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02 SENTIMENTS

s’est évertué à retoucher l'odieuse, la difforme caricature que l'on avait faite de cet honnête homme ; ce fut l’œuvre d’honnêtes gens. Ils ont un peu rétabli la belle figure de Baudelaire, effacé les traits grotesques de la charge, rendu à l’homme son sourire, et lavé la haute statue des crachats que tous les imbéciles lui avaient jetés en hommage. Flaubert faisait, des sottises imprimées, un re- cueil que le flux littéraire grossissait chaque jour. — On composerait un volume d’une insigne lai- deur avec les propos tenus sur Baudelaire. D’ail- leurs, il eût peut-être trouvé plaisir à le lire, lui qui avait si bien compris sous quelle pluie d’imbé- cillités on tâcherait de noyer ses Fleurs. En octobre 1864, il écrivait à M. Ancelle : « Ce maudit livre est donc bien obscur ! bien inintelligible ! Je porterai longtemps la peine d'avoir osé peindre le mal avec quelque talent. » Et, plus tard, en janvier 1866 : « Les Fleurs du Mal ! on commencera peut-être à les comprendre dans quelques années. »

Cet espoir dont, malgré tout, il se leurrait un peu, fut déçu, après tous ceux avec lesquels il égayait sa tragique vie. Baudelaire, vivant, ne manqua pas d’ennemis. Toutes les injures lui furent offertes, on en inventa même à son n