Page:Gilkin - La Nuit, 1897.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.




LE PRESSOIR



Ma vigne au raisin noir mûrit sur une roche
Où les soleils salés et le vent de la mer
Cuisent, afin d’élire un vin seul sans reproche,
Ses beaux fruits monstrueux gonflés d’un suc amer.

Grain à grain j’ai cueilli maintes grappes farouches
Au jus essentiel, couleur d’encre et de soir,
Que j’écrase, à genoux, pour de royales bouches,
Méticuleux et lent, dans mon puissant pressoir.

Hélas ! de tous côtés les gouttes précieuses
Jaillissent et voilà que d’avides voleurs,
Les captivant dans leurs bouteilles spécieuses,
Les étendent d’eau claire et de lâches pâleurs.