Page:Gilkin - La Nuit, 1897.djvu/177

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Ô bûcher dont nos chairs sont les vivants charbons,
Terre, où le plaisir ment, où les douleurs sont vraies,
Tu n’es qu’un hôpital de cancers et de plaies
Où sans cesse les morts font place aux moribonds !

La mort refait la vie et nous sommes la proie
De l’éternel retour pour l’éternel départ.
Un suaire sanglant, voilà notre étendard !
Des cercueils pleins de vers, voilà nos lits de joie !

Mais il vient, le Sauveur qui doit vaincre le Sort !
Du mal de l’existence il délivre les âmes,
Ô divin Guérisseur, verse-nous les dictames
De tes blancs daturas vierges comme la mort !

Marche vers l’amoureux qu’enlacent les chairs folles,
Vers l’avare accroupi sur son vil monceau d’or,
Vers la femme qui pleure et vers l’enfant qui dort,
Vers le poète plein d’inutiles paroles,
 
Va vers l’homme sans cœur, va vers l’homme sans foi,
Viens vers nous et souris de ton sourire tendre.
Dis-nous que tout nous trompe, hélas ! et fais entendre
La Loi sainte, dis-nous à tous : « Voici la Loi !